Bonjour

Conférence de presse sur la situation économique nationale en 2017 et ses perspectives pour 2018

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Présentation générale par Monsieur Ahmed Lahlimi Alami,

 Haut-Commissaire au Plan

 

 – Casablanca, le 5 juillet 2017 –

 

Lors de la présentation du Budget Economique Prévisionnel en janvier 2016, j’avais été amené à baptiser 2015 l’année des incertitudes. 2016 s’annonçait alors comme celle d’une sortie incertaine des prolongements économiques et monétaires de la crise internationale de 2008. On peut être porté à croire que 2017 marquerait le reflux de cette crise et l’ouverture du monde sur une nouvelle ère de croissance plus sereine. Ce qui est en tout cas sûr, c’est que cette année aurait connu la montée d’une nouvelle génération de réformes structurelles dans les pays qui se préparent à être, dans un avenir de plus en plus proche, les bénéficiaires de la compétitivité numérique.

 

Contexte international

 

Avec des économies reflatées, des politiques budgétaires et monétaires normalisées, des structures sociales et institutionnelles profondément réformées dans les pays leaders des grands ensembles économiques du monde développés, émergents et en développement devraient amener ces derniers à renouer avec la croissance et, à la faveur d’une évolution modérée des prix des matières premières, contribuer au redressement du commerce mondial.

 

Dans ces conditions, les analyses des organismes internationaux prévoient une croissance pour 2017 de 2,3% aux Etats-Unis et 1,7% en Europe. En Asie, la Chine continuerait à connaitre une croissance relativement modérée de 6,6%, alors que l’Inde maintiendrait son leadership dans ce domaine avec 7,2% de croissance de son économie. Globalement, avec 4,5%, les économies des pays dits émergents seraient sur la voie de renouer avec leur dynamisme traditionnel, au fur et à mesure de la stabilisation des prix du pétrole et des dépassements par certains de leurs pays leaders, notamment le Brésil et l’Afrique du Sud, des dysfonctionnements politico-éthiques de leurs institutions. Les pays en développement seraient appelés à mieux performer avec le redressement à 3,8% du commerce international et l’amélioration à 8,5% du niveau des prix des matières premières non énergétiques.

 

Plus encore que son retour à meilleure fortune avec une croissance de 3,5%, le paysage économique mondial présente des séquences sur lesquelles nous devrions nous arrêter et que nous devrions prendre comme autant de sources d’enseignements à méditer, voire de messages à capter pour en tirer des leçons au profit de notre propre pays. J’en retiendrais deux.

 

La 1ère séquence porterait sur cette accélération inédite du déploiement de la révolution numérique et la portée des mutations qu’elle génère dans les activités et les comportements de plus en plus d’agents économiques et sociaux, dans les sphères de la production, des échanges, du travail  et de la consommation. Avec l’acuité nouvelle de la conscience que manifestent les gouvernants et les opérateurs économiques et sociaux, en particulier dans les pays développés, vis-à-vis des impératifs d’une compétitivité respectueuse de l’environnement, les opportunités offertes par la révolution numérique modifient de plus en plus profondément les écosystèmes micro-économiques, le mode de gestion macroéconomique et les approches des politiques néolibérales.

 

Il y aurait là autant de raisons d’être interpelé sur l’urgence d’une révision en profondeur de notre modèle économique, social et culturel d’autant plus qu’une telle évolution de l’économie numérique est porteuse d’un approfondissement des fractures entre les pays développés et les pays en développement et, à l’intérieur de chacun de ces pays, entre les élites les plus favorisées et les larges catégories sociales de la population.

 

La 2ème séquence porterait, au-delà des cycles économiques dans tel ou tel continent, sur la leçon que nous devrions tirer de cette dynamique nouvelle quasi-générale qu’auraient connues, au cours des années 2017 et 2018, les réformes de structure, dans la quasi-totalité des pays soucieux de préserver ou d’acquérir une plus grande compétitivité dans un monde où se généralisent les zones de libre-échange, au point de susciter les contestations les plus inattendues.

 

A cet égard, à la faveur, en général, d’élections dont elles ont acquis leur légitimité, ces réformes portent sur les politiques monétaires ou les normes de gestion des marchés du travail, comme c’est le cas de l’Europe, ou encore les réformes audacieuses, voire agressives, portées sous le signe de « l’Amérique d’abord », par la nouvelle présidence américaine, sans omettre de relever la grande capacité pragmatique de réformes que la Chine décline, aujourd’hui, aussi bien dans le domaine des structures socio-économiques et de son système traditionnel de valeurs que dans celui de ses rapports internationaux.

 

Notre pays serait particulièrement bien inspiré de tirer les leçons qu’il convient des enseignements que véhiculent les deux séquences retenues du paysage économique mondial dont l’évolution aurait, au cours de 2017 et 2018, apporté des opportunités d’amélioration de nos propres performances économiques.

 

Quelques remarques à propos de la situation économique nationale selon le Budget Economique Exploratoire 2018

 

D’un contexte international invitant plutôt à l’optimisme, notre économie nationale devrait améliorer ses performances et continuer à subir l’effet de ses déficits structurels. Dans ce contexte, elle bénéficierait d’une demande extérieure en hausse de 4% en 2017 et 2018 et participerait, avec une progression de 4% de cette cartographie favorable de la croissance mondiale.

 

A travers l’exposé qui sera fait du Budget Exploratoire 2018 il vous serait loisible d’évaluer les performances et les déficits et d’en débattre. Je voudrais, si vous le permettez, me limiter, en ce qui me concerne, à formuler quelques remarques que m’inspirent une ou deux composantes de l’offre de l’offre et de la demande de notre économie nationale, avant de poser quelques questions qui me semblent mériter débat.

 

Au sujet de l’offre

 

Profitant d’une répartition relativement favorable dans le temps et l’espace de la pluviométrie, d’une disponibilité coordonnée des facteurs de production et d’une bonne gestion de leur utilisation, le secteur agricole devrait contribuer à porter la valeur ajoutée du secteur primaire à 13,9% en 2017, après une baisse de 11,3% en 2016 et sa contribution au PIB à 1,7 point, au lieu d’une contribution négative de 1,4 point, une année auparavant.

 

Les activités non agricoles, en revanche, devraient continuer à s’inscrire dans leur sentier de faible croissance avec 2,5%, après 2,2% en 2016, loin du rythme moyen de 4% connu durant la période 2008-2011. Leur contribution à la croissance économique globale serait de 1,9 point en 2017, au lieu d’une moyenne annuelle de 2,8 points au cours des 10 dernières années.

 

En fait, avec une part du secondaire restée pratiquement stable à 35% de la valeur ajoutée non agricole, dénotant leur faible diversification, les activités non agricoles constituent le véritable talon d’Achille de l’économie nationale. En attendant que les investissements dans les infrastructures économiques et sociales et les réformes de structure donnent leur plein effet, en termes d’attractivité vers les secteurs productifs des capitaux privés, en particulier nationaux, et contribuent, ainsi, à apporter cette nécessaire diversification des activités non agricoles et la non moins nécessaire augmentation de leur compétitivité, le niveau de croissance de l’économie nationale continuerait à rester dépendant de la pluviométrie tournant autour de 2% en cas de mauvaises années agricoles, et de 4%, dans les cas contraires.

 

Au sujet de la demande

 

Le faible niveau de diversification et de compétitivité de l’offre nationale se retrouve au cœur des fragilités de la demande laquelle continuerait à être le moteur de la croissance économique nationale. Il continuerait à réduire par ses effets les opportunités d’emploi et de revenu, accentuerait la dépendance de la demande intérieure des importations et constituerait, en définitive, l’une des sources dont s’alimentent les équilibres intérieurs et extérieurs de notre pays et l’un des facteurs à l’origine de la persistance de ses déficits sociaux.

 

Malgré une activité économique sous contrainte des fluctuations climatiques, la consommation privée devrait, comme l’indique le Budget Economique, progresser, après 3,4% en 2016, de 3,7% en 2017 et 3,2% en 2018, contribuant respectivement par 2,1 points et 1,8 point à la croissance économique globale.

 

Sur ce point, je voudrais, si vous le permettez, formuler quelques remarques.

 

La consommation des ménages serait restée, depuis 2008, quel que fût le niveau de croissance économique, dans le sentier des 4% en moyenne annuelle. Cette amélioration de la consommation conforte les résultats de toutes les enquêtes qui révèlent une baisse au Maroc de toutes les formes de pauvreté, au cours de cette période. Il n’en reste pas moins, cependant, que ces mêmes enquêtes relèvent, d’une manière récurrente, la perception par les citoyens d’une prévalence de la pauvreté dans leur milieu. Cette pauvreté au niveau du ressenti que nous appelons « pauvreté subjective » est évidente autant que l’est la baisse da la pauvreté objective. En fait, la transition démographique avec l’émergence d’une jeunesse de plus en plus instruite et féminisée et la transition économique et sociétale avec les attentes disproportionnées par rapport aux réalités dont elle est porteuse engendrent, avec cette amélioration du niveau de vie, le double phénomène d’une peur du retour à la trappe de la pauvreté des personnes qui y ont échappé et d’une aspiration à une promotion dans la hiérarchie sociale et un accès à de nouveaux modèles de consommation de ceux qui sortent de la vulnérabilité et commencent à constituer les strates inférieures des catégories sociales intermédiaires.

 

Ce stress social inhérent aux phases de transition s’accroit avec les mutations des modèles de consommation où émergent de nouveaux besoins dont la satisfaction a tendance à être plus onéreuse sans commune avec le niveau des revenus disponibles. C’est le cas, à titre d’exemple, des besoins dans les domaines de la communication, des transports, de l’enseignement et des loisirs qui font l’objet d’une forte demande de la part, en particulier, des jeunes et que les revenus disponibles ne permettent pas de satisfaire dans le contexte d’une économie qui ne crée pas suffisamment de valeur ajoutée et où les fruits de celle qui est créée sont inégalement répartis.

 

Aussi, faudrait-il consolider la baisse de la pauvreté par la baisse des inégalités et la cohésion sociale par la réduction des facteurs du stress social dont nous nous attelons au HCP à élaborer quelques indicateurs pour éclairer la décision politique et qui seraient, en quelque sorte, le pendant des indicateurs de bien-être que nous avions déjà mesurés et publiés.

 

Au sujet de l’enjeu national de la compétitivité de notre économie

 

J’ai suffisamment dénoncé la faiblesse de compétitivité du tissu productif national pour relever ici son rôle dans le déficit structurel de la balance commerciale des biens et services, c’est-à-dire le déficit des ressources de notre pays. Ce déficit est à l’origine de l’accentuation devenue structurelle, depuis 2010, du besoin de financement de l’économie nationale. C’est l’un des points stratégiques où se joue le pari de la durabilité de la croissance, de la préservation du libre arbitre de notre souveraineté sur la scène internationale et de la pérennité d’une sécurisation globale de l’intégrité et de l’unité de notre pays.

 

 

 

 

 

 

 

Ces enjeux sont d’autant plus vitaux que le paysage international déroule une autre séquence moins réjouissante, celle de la montée inédite des périls sur l’intégrité territoriale et politique des pays du Moyen-Orient, sous le poids d’une exacerbation des conflits doctrinaux et ethniques et une dangereuse implication de multiples puissances militaires, régionales et internationales, dans une promiscuité explosive. Cette situation devrait interpeler notre vigilance, d’autant plus que le reflux des positions des mouvements terroristes dans cette région pourrait s’accompagner de leur consolidation dans notre environnement régional.

 

Aussi, toutes les composantes de notre société et, en particulier, toutes ses forces vives économiques, sociales et politiques doivent-elles adhérer à toutes les implications des réformes de structure nécessaires pour éliminer toutes les menaces latentes, aussi bien dans notre tissu économique que dans nos finances publiques, dans le système de valorisation de nos ressources humaines que dans notre mode de gouvernance nationale et régionale, afin d’assurer à notre économie les conditions favorables d’un minimum d’endogénéisation de son financement et à notre pays les chances de continuer à valoriser les atouts que lui procurent son cadre constitutionnel, son poids historique et son dynamisme géostratégique.  C’est à l’aune de ces réformes que seront évalués – et que, nous-mêmes, devrions évaluer – la solidité des fondamentaux macro-économiques, la stabilité financière et les performances de nos politiques publiques. Leur succès serait d’autant plus effectif que leur agencement temporel serait pertinent et que leur appropriation collective serait assurée, dans le cadre d’une démarche stratégique qui en éclairerait les raisons et les finalités.

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